PHOTOCLUBBING#17

JANVIER 2024

mois palaisien de la photo depuis 2007

RENCONTRES Rétrospective Françoise Chadaillac

La Fabrique Culturelle, 10 avenue de Stalingrad, Palaiseau
mardi et vendredi 16h -19h, mercredi et samedi 10h -19h Entrée libre

Rencontre avec la photographe
samedi 13 janvier 2024 à 16h30 à la Fabrique Culturelle et à 19h à la MJC

Françoise Chadaillac, née en 1949 en Chine, à Kunming, obtient des diplômes de Lettres Modernes puis de Sociologie à Paris dans les années 70. Après ses premiers portraits de rues pris en autodidacte en Amérique du Nord, une bourse lui est attribuée par le ministère des affaires culturelles du Québec en 1981 pour son projet sur les stands à patates à frites de la province. Elle rentre ensuite en France et devient assistante de production à Antenne 2 puis documentaliste audio-visuel à France 2. Elle travaille de nombreuses années aux côtés de Bernard Pivot qui préfacera le projet qu’elle mène depuis 1973 La route est belle où elle dresse en photos et en mots le portrait de La Douce France qui ne fut pas le pays de son enfance. Son travail sur l’Amérique du Nord et les banlieues françaises a fait l’objet de nombreuses publications et expositions. En 2020, les éditions Loco publient La reine de la patate – ou les cantines du détour.

Après plusieurs décennies de photographies, Rencontres est la première rétrospective de Françoise Chadaillac autour de trois de ses projets majeurs : La reine de la patate ou Les cantines du détour, Gens de Seattle, Droit de regard, tous réunis pour la première fois à la Fabrique Culturelle dans le cadre de Photoclubbing, le mois palaisien de la photo.

LA REINE DE LA PATATE les cantines du détour, Québec, 1979-1982

Françoise Chadaillac débarque au Québec en 1979. Intriguée jusqu’à l’émotion par de petites cabanes en bois, des bus recyclés et divers véhicules en fin de vie, détournés de leur usage premier, elle commence à photographier ces architectures de bord de route dont elle ignorait l’existence et la fonction. «Stands à patates», comme les désignent les Québécois, ces lieux de restauration rapide, isolés dans des espaces souvent mal ajustés et disproportionnés, sont les cousins des baraques à frites européennes et des « diners » américains, en moins sophistiqués. Sur les premières photos, des paroles jaillissent, amusées, nostalgiques, faisant resurgir souvenirs d’enfance, rêves de liberté, récits de labeur et d’espérances sociales. Françoise Chadaillac comprend dès lors que ces espaces ne peuvent être réduits à leurs seules fonctionnalités. Ils sont aussi créateurs et réceptacles d’un imaginaire collectif, d’une certaine condition humaine qui résonne étrangement de façon universelle. «Y’ a pas un Québécois qui a pas une patate frite dans l’coeur !», s’exclame définitivement un client croisé. Ce road-trip est le témoin d’une société en transformation dans une période très spécifique du Québec francophone, assez pauvre économiquement à cette époque-là. Une société attachante, faite de gens attachants, encore très emprunte de culture rurale, et qui a basculé sans transition dans la post-modernité.

GENS DE SEATTLE, 1972

Cette série de portraits réalisés à Seattle au cours d’un voyage-éclair de cinq jours sur la côte nord-ouest de l’Etat de Washington, constitue la première série thématique de Françoise Chadaillac. Seattle 1973 est sa première rencontre avec l ‘Amérique ordinaire et son peuple des rues, une sorte de biodiversité silencieuse de la difficulté et de la subsistance au jour le jour. Bouleversante cette confrontation forge à jamais l’approche photographique et esthétique de Françoise Chadaillac où humanisme se conjugue avec empathie.

DROIT DE REGARD, banlieue 2013

Chacun sait combien l’expression « jeunes de banlieue » exclut ceux qu’elle désigne dans un imaginaire social et les assigne dans un espace en «sous-France».

On les évite, on s’en détourne et on finit parfois de raccourcis en malentendus par les détester. Françoise Chadaillac est allée, sans a priori mais armée de bienveillance, de curiosité, photographier frontalement ceux qui le voulaient bien, avec leur esthétique codifiée dans leur environnement, avec le fond de murs bétonnés de leurs cités en arrière-plan. Elle a rencontré des individus, des prénoms ou des pseudonymes, entendu leurs mots subjectifs, leurs ressentis impressionnistes et partiels, leurs attentes révélant une réalité contradictoire, plurielle, et infiniment complexe…

Si Mal nommer un objet, c’est ajouter au malheur du monde (Albert Camus), alors que dire si nous ne sommes plus capables de poser le regard sur nos contemporains.